Les habitants d’Amatán, commune mexicaine du Chiapas, l’Etat le plus pauvre du pays, ont mis en place un Conseil Populaire de Gouvernance Légitime et demandent maintenant au nouveau gouvernement fédéral de le reconnaître officiellement.

Les membres de ce Conseil ont indiqué qu’ils souhaitaient exercer de cette manière leur droit à l’autodétermination, et ceci par le fait de la transformation de la commune en “caciquat” (territoire contrôlé par un “souverain absolu”) par les frères Carpio Mayorga: enrichissement illégal de ces derniers, actes de corruption, maintient de la population dans la pauvreté et menaces contre les habitants sont devenus chose habituelle.

En effet, Manuel de Jesús Carpio Mayorga fut président municipal d’Amatán de 2001 à 2004 sous l’étiquette du Parti Action Nationale (PAN). Son cousin Orbelin García lui succéda de 2004 à 2007 pour le PAN également. Manuel de Jesús s’est à nouveau présenté, mais cette fois sous la bannière du Parti Vert Écologiste, faux-nez du Parti Révolutionnaire Institutionnel (néolibéral) et à dirigé la commune de 2012 à 2015. Ensuite, c’est son frère Wilbert, sous les couleurs du même parti “vert” qui le remplacera de 2015 à 2018. Finalement, lors des dernières élections, Manuel de Jesús s’est drapé des habits Morena, le parti du nouveau président fédéral pour régner jusqu’en 2021.

Affiche de la dernière campagne électorale, la figure du maire arrachée y apparaît aux côtés du président élu AMLO.

Eric Bautista Gómez, président estatal du Mouvement Paysan Régional Indépendant (MOCRI), explique que le processus électoral qui a porté Manuel de Jésus à diriger de nouveau la commune avait été “tâché d’irrégularités”, et, bien que reconnu officiellement par les autorités, la cérémonie de passation des pouvoirs “s’est déroulée à huis clos dans une commune voisine”.

Cela fait depuis plus d’une année que le MOCRI, organisation membre de la Coordination Nationale plan Ayala (CNPA-MN), avec l’Assemblée Populaire, ont organisé des marches de protestation, indiqué leurs revendications et utilisés les recours légaux pour en finir avec le “caciquat” des frères Carpio Mayorga.

Conseil Populaire de Gouvernance Légitime prête servent devant plus de 1500 habitants.

Face à la fronde populaire et à la médiatisation nationale, des organisation de défense des droits de l’homme et de représentants d’autres organisations communautaires et politiques se sont solidarisés avec le Mouvement pour la Paix, la Justice et le Bien Vivre d’Amatán, qui est à l’origine du projet et du processus. L’un des leurs a été torturé et assassiné dans sa maison la semaine passée par des paramilitaires de Morena (lire ici). En raison de la violence et de l’impunité qui règnent dans la région, “seulement” une cinquantaine de soutiens et d’observateurs se sont déplacés.

Des villageois assistent à la cérémonie depuis le balcon de la mairie.

En leur présence, il a été décidé de créer le Conseil Populaire de Gouvernance Légitime, qui a donc prêté serment en présence notamment du Front des Peuples en Défense de la Terre d’Atenco (sur la zone du controversé nouvel aéroport de la ville de Mexico) et d’Arturo Campos, ancien prisonnier politique de la Coordination Régionale des Autorités Communautaire de l’Etat de Guerrero. Le Conseil entrera en fonction dès le vendredi 1er décembre 2018 et agira en accord avec le peuple d’Amatán, majoritairement d’ethnie zoque.

L’accès au village est restreint.

Aujourd’hui, bien qu’ayant élu ses représentants, Amatán est un village retranché, protégé par des barricades et des habitants armés de fusils faisant face aux paramilitaires du parti du président mexicain, Morena. Ils demandent aux autorités d’intervenir pour rétablir la paix dans cette région très convoitée par les compagnies minières qui s’approprient les terres, ne laissant après quelques années que de l’eau durablement contaminée, des terres inutilisables, des paysages dévastés et des défenseurs des droits de l’homme et de l’environnement assassinés.